Criminalisation du colonialisme : l'Algérie relance un projet de loi enterré depuis 2001
- cfda47
- il y a 4 heures
- 2 min de lecture

Vingt-quatre ans après la première tentative, l'Assemblée populaire nationale s'apprête enfin à examiner une proposition de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie. Le bureau de l'APN a programmé le texte pour le dimanche 21 décembre, rompant ainsi avec plus de deux décennies de blocage parlementaire sur cette question ultrasensible.
Le texte, qui comprend 54 articles, a été inscrit à l'ordre du jour de l'APN après que cinq propositions similaires ont été systématiquement rejetées depuis 2001. Ces tentatives avortées émergeaient notamment en réaction à la loi française du 23 février 2005, dont l'article 4 imposait l'enseignement du “rôle positif” de la colonisation dans les programmes scolaires français. Un texte qui avait provoqué l'indignation à Alger et dans l'ensemble des anciennes colonies, contraignant finalement Jacques Chirac à faire supprimer l'article controversé en 2006.
Soixante-deux ans après l'indépendance arrachée au terme d'une guerre sanglante (1954-1962), la France refuse toujours de reconnaître officiellement les crimes commis durant cent trente-deux ans de colonisation (1830-1962). Paris se limite à des gestes symboliques au cas par cas, comme la reconnaissance par Emmanuel Macron en 2021 de la responsabilité de l'État français dans l'assassinat de l'avocat nationaliste Ali Boumendjel, torturé et défenestré par l'armée coloniale en 1957, ou dans la disparition du mathématicien Maurice Audin la même année.
Mais l'Algérie réclame bien davantage qu'une série de reconnaissances ponctuelles. Le pays exige une reconnaissance globale des crimes coloniaux : les massacres de Sétif et Guelma du 8 mai 1945 qui ont fait des dizaines de milliers de victimes selon les historiens algériens, l'usage systématique de la torture pendant la bataille d'Alger en 1957, les déplacements forcés de populations, la destruction des structures sociales traditionnelles, ou encore les essais nucléaires français dans le Sahara entre 1960 et 1966 dont les conséquences sanitaires se font encore sentir aujourd'hui.
Rappellons que cette proposition de loi s'inscrit dans une séquence de tensions accrues avec Paris. Depuis que la France a apporté son soutien au plan marocain d'autonomie pour le Sahara occidental en juillet 2024, les relations bilatérales se sont considérablement détériorées. Le président Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé en octobre que la France devait “respecter le peuple algérien”, remettant en question une visite d'État à Paris pourtant prévue de longue date.
Cette crise rappelle celle de 2021, lorsque Emmanuel Macron avait mis en doute l'existence d'une “nation algérienne” avant la colonisation française, déclenchant le rappel immédiat de l'ambassadeur algérien et une série de mesures de rétorsion, dont la fermeture temporaire de l'espace aérien aux avions militaires français.
Si elle est adoptée, cette loi marquera une étape supplémentaire dans le combat mémoriel de l'Algérie et pourrait ouvrir la voie à des poursuites juridiques. Elle intervient alors que les contentieux entre Alger et Paris se multiplient, de la question des visas aux enjeux énergétiques, en passant par les divergences sur les dossiers régionaux.
Sophie K.



Commentaires