De la diplomatie aux comptes d'apothicaire : Sarkozy transforme les visas en arme politique
- cfda47
- il y a 3 minutes
- 2 min de lecture

Nicolas Sarkozy dynamite un tabou vieux de 57 ans. Sa règle : « un visa délivré contre un Algérien expulsé ». Une provocation qui risque d'embraser Paris-Alger.
Les mots de Nicolas Sarkozy, prononcés dans une interview au Figaro le 3 septembre, s’inscrivent comme une nouvelle salve dans un vieux débat qui fragilise depuis des décennies la relation entre la France et l’Algérie. L’ancien président français exhorte son pays à “se montrer infiniment plus ferme et drastique” face à son ancienne colonie, accusant Alger de profiter d’un régime d’exception vieux de plus d’un demi-siècle. »
Pour Sarkozy, les chiffres suffisent à illustrer l’injustice : près de 250.000 visas délivrés chaque année aux Algériens, contre des milliers d’expulsions jamais exécutées. Sa proposition est radicale et brutale dans sa simplicité : « un visa délivré contre un Algérien expulsé ». Derrière cette logique comptable se cache une volonté assumée de rupture avec des accords conclus en 1968, au lendemain de l’indépendance algérienne, qui continuent d’accorder aux ressortissants algériens des droits préférentiels en matière de séjour, d’emploi et de regroupement familial.
Ces accords ne sont pas de simples dispositions administratives. Ils symbolisent un héritage colonial encore brûlant, une tentative de maintenir des liens privilégiés entre Paris et Alger dans les années qui ont suivi la guerre d’indépendance. Pour l’Algérie, ils représentent un acquis historique, un pacte arraché dans la douleur. Pour une partie croissante de l’opinion française, ils incarnent au contraire une anomalie, un privilège que rien ne justifie plus. Les révisions successives de 1985, 1994, 2001 et 2012 n’ont pas suffi à apaiser la contestation.
Le levier des visas comme arme diplomatique
L’idée d’utiliser le levier des visas n’est pas nouvelle. En 2021, Emmanuel Macron avait déjà réduit drastiquement leur nombre, reprochant à Alger son refus de délivrer les laissez-passer nécessaires aux expulsions. La mesure avait provoqué une flambée diplomatique, vite contenue par des tractations silencieuses. Mais ce que propose Sarkozy dépasse le registre de la sanction temporaire. Il appelle à un changement structurel, une réécriture des règles du jeu, où la réciprocité remplacerait l’exception historique.
Sarkozy choisit son moment. Sa déclaration intervient dans un climat où l’immigration est devenue un enjeu électoral central. Chaque formation politique rivalise de fermeté. Sarkozy, même éloigné du pouvoir, choisit un moment où les débats sont saturés de calculs électoraux pour réactiver un sujet doublement inflammable : la mémoire coloniale et les flux migratoires.
Les chiffres renforcent le caractère explosif du dossier. Environ deux millions d’Algériens vivent aujourd’hui en France. Selon la Banque mondiale, leurs transferts financiers vers leur pays d’origine ont dépassé deux milliards de dollars en 2023. Ces flux constituent un soutien vital pour Alger, et un argument que ses dirigeants ne manqueront pas de brandir. Pour eux, céder à la pression française équivaudrait à une humiliation publique et à une perte de légitimité.
Entre Paris et Alger, l’histoire pèse plus que jamais sur la diplomatie du présent. La France, qui cherche à sécuriser ses approvisionnements énergétiques et à redéfinir sa politique migratoire, se retrouve face à une équation insoluble : préserver des liens stratégiques tout en affichant une fermeté politique réclamée par l’opinion. L’Algérie, en revanche, ne peut se permettre de plier publiquement, sous peine de fragiliser sa crédibilité interne.
Sophie K.
Commentaires