Dette africaine : entre mémoire diplomatique et réécriture politique
- cfda47
- 6 sept.
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Lors de son discours à l’ouverture du Salon du commerce intra-africain (IATF 2025), le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé que l’Algérie avait effacé « dans un esprit de modestie » une dette de 1,5 milliard de dollars contractée par 14 pays africains. Une déclaration saluée par les partenaires africains, mais qui suscite aujourd’hui des interrogations sur la véracité historique de cette initiative.
Selon des diplomates algériens et des archives du ministère des Affaires étrangères, cette mesure remonte en fait à 2010, sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Elle fut prise unilatéralement, sans concertation avec les pays concernés, et communiquée par télégramme diplomatique aux ambassadeurs algériens en poste.
C’est en janvier 2012, lors du 18ᵉ sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, que l’Algérie rend officiellement publique sa décision d’effacer les dettes de 14 pays africains. Cette annonce, faite par Ramtane Lamamra, alors commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, marque un tournant dans la diplomatie algérienne.
Une décision prise en 2010… par Bouteflika
Contrairement à ce qu’a laissé entendre le président Tebboune, cette décision remonte à 2010, sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika.
Selon des sources diplomatiques, elle fut prise sans concertation, par télégramme, et transmise directement aux ambassadeurs algériens en poste dans les pays concernés. Aucun dialogue préalable n’aurait eu lieu avec les gouvernements bénéficiaires.
Le 30 Mai 2013, l’Agence Ecofin, indiqua que le gouvernement algérien a confirmé avoir procédé à l’annulation des dettes d’un montant de 902 millions de dollars qu’il détenait sur 14 pays membres de l’Union africaine.
Le vrai montant : 902 millions de dollars
Les chiffres officiels publiés en 2013 par le ministère des Affaires étrangères indiquent que le montant réel de la dette annulée s’élève à 902 millions de dollars, et non 1,5 milliard. Les pays concernés incluent notamment le Bénin, le Burkina Faso, le Congo, l’Éthiopie, la Guinée, la Mauritanie, le Mali, le Mozambique, le Niger, le Sénégal, les Seychelles, Sao Tomé-et-Principe et la Tanzanie.
« Ce geste concret d’entraide s’inscrit dans le cadre de la solidarité africaine et illustre la volonté politique du gouvernement algérien d’assumer pleinement son engagement en faveur de la promotion économique et sociale du continent » avait annoncé Amar Belani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères d’Algérie de l’époque.
En 2012, plusieurs journaux algériens avaient indiqué que le président Bouteflika avait discrètement décidé d’annuler une dette cumulée de 3 milliards sur 10 pays africains.
Ce nouvel activisme financier de l’Algérie vis-à-vis le l’extérieur s‘est aussi traduit en 2012 par un prêt de 5 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI).
Une manœuvre diplomatique ?
Des diplomates algériens ayant participé au processus affirment que cette décision n’était pas motivée par un « esprit de modestie », mais plutôt par des sollicitations diplomatiques.
Le président Nicolas Sarkozy aurait personnellement demandé à Bouteflika d’effacer ces dettes dans le cadre d’un rapprochement stratégique. De même, l’effacement de 504 millions de dollars de dette irakienne aurait été réalisé à la demande des États-Unis.
Une annonce tardive, orchestrée en 2012
L’annonce publique de cette mesure n’a été faite qu’en 2012, lors d’un sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba.
Ramtane Lamamra , fin stratège, aurait convaincu Bouteflika de l’intérêt de rendre cette mesure publique pour renforcer l’image de l’Algérie comme acteur solidaire et influent en Afrique. Contrecarrer l’influence croissante du Maroc et de la France sur le continent. Réaffirmer le rôle historique de l’Algérie dans les luttes anticoloniales et les solidarités panafricaines.
À cette époque, l’Algérie cherche à rééquilibrer ses alliances africaines, notamment face à l’activisme marocain sur le Sahara occidental. Valoriser son rôle historique dans les mouvements de libération et renforcer sa présence dans les instances panafricaines, où elle avait perdu en visibilité.
L’annonce de l’effacement de la dette devient ainsi un outil diplomatique, plus qu’un simple geste économique.
Yacine M



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