Droits humains en Algérie : entre discours officiel et réalités contestées
- cfda47
- 23 juin
- 4 min de lecture

Ce 23 juin 2025, Abdelmadjid Zaalani, président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a affirmé publiquement que « les droits humains occupent une place centrale en Algérie ». Cette déclaration, relayée par les médias nationaux, intervient dans un contexte national et international tendu, marqué par des accusations croissantes de violations des droits fondamentaux, notamment à l’encontre de détenus politiques. Cette déclaration s’inscrit dans une série de prises de parole officielles visant à présenter le cadre juridique algérien comme conforme aux standards internationaux. Le représentant permanent de l’Algérie à Genève a également soutenu que le pays « garantit pleinement les droits et les libertés » dans le cadre du dialogue interactif avec l’ONU en mars 2025.
Ce genre de déclaration, bien que diplomatiquement mesurée, soulève souvent plus de questions qu’elle n’en résout. Plusieurs ONG, comme Amnesty International ou la FIDH, ont réagi en pointant l’écart persistant entre le discours officiel et la réalité sur le terrain — notamment avec les cas de détention arbitraire, les restrictions à la liberté d’expression, ou encore les intimidations envers les avocats et journalistes.
En parallèle, ce genre d’annonce institutionnelle vise probablement à rassurer la communauté internationale, surtout à l’approche de sessions du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, où l’Algérie cherche à maintenir son image de respectabilité diplomatique.
Une déclaration sous pression
À première vue, cette annonce semble vouloir rassurer l’opinion publique et les partenaires internationaux. Pourtant, plusieurs observateurs y voient davantage une réponse stratégique aux critiques de plus en plus vives émanant d’ONG nationales et internationales. Des organisations comme Amnesty International, la FIDH et Human Rights Watch ont publié ces derniers mois des rapports documentant des cas de détention arbitraire, de torture, de restrictions à la liberté d’expression, et de harcèlement judiciaire.
Entre discours institutionnel et constats des ONG...
Les rapports de Human Rights Watch, Amnesty International et la FIDH dressent un tableau bien plus sombre. Le cas de Larbi Tahar, victime de violences physiques, est révélateur d’une situation plus large.
La déclaration de Zaalani survient alors que le cas de Larbi Tahar, militant issu du mouvement Hirak, suscite l’indignation. En grève de la faim depuis avril 2025, il est détenu à la prison d’Abadla dans des conditions jugées inhumaines. Privé de visites familiales et maltraité selon ses avocats, son cas est devenu emblématique de la répression envers les voix dissidentes en Algérie.
Sofiane Ouali, avocat et défenseur des droits humains, arrêté et relâché, en juillet 2024 après un sit-in pacifique à Béjaïa. Il est poursuivi pour des accusations liées au terrorisme.
Mira Moknache, enseignante et militante politique, détenue arbitrairement selon ses avocats. Son cas a déclenché la mobilisation de plusieurs collectifs de juristes.
Mohamed Tadjadit; activiste emblématique du Hirak, arrêté à plusieurs reprises depuis 2019. En 2025, il a été condamné à six mois de prison pour « publications nuisibles à l’intérêt national ».
Plusieurs journalistes et militants exilés sont visés par des interdictions de retour non officielles. Bien que l’Algérie ait annoncé des mesures de facilitation pour les détenteurs de passeports étrangers, certains binationaux sont refoulés à l’arrivée ou soumis à des interrogatoires prolongés.
Des personnalités critiques du régime, comme des membres du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), sont inscrites sur des listes de surveillance. Leur retour est considéré comme une menace à l’ordre public selon les autorités. Amnesty International note la fermeture persistante de l’espace civique, l’usage abusif des lois antiterroristes, et les expulsions massives de migrants vers le Niger sans garanties légales
En mars 2025, l’Algérie a refusé de reprendre certains de ses ressortissants expulsés par la France, ce qui a tendu les relations diplomatiques et renforcé les incertitudes pour les Algériens en situation irrégulière ou en exil politique.
Une stratégie de communication officielle
Ce contraste révèle un écart structurel entre la rhétorique institutionnelle et la réalité documentée. Alors que les autorités mettent en avant un cadre juridique protecteur, les ONG dénoncent l’usage de ce même cadre pour criminaliser l’opposition pacifique. La référence aux « droits humains » dans les discours officiels semble davantage relever d’une stratégie de communication que d’un engagement effectif.
Le discours du président du CNDH semble donc, faire écho à une volonté des autorités d’adoucir l’image du régime, alors que l’Algérie est régulièrement interpellée lors des sessions du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Toutefois, de nombreuses voix dénoncent le fossé entre les déclarations institutionnelles et la situation documentée sur le terrain.
Quand les droits humains deviennent conditionnels
Malgré les discours rassurants des autorités algériennes, les violations des droits humains ne sont ni isolées ni nouvelles. Elles s’inscrivent dans une tradition politique où les libertés individuelles sont souvent sacrifiées au nom de la stabilité ou de l’unité nationale.
Des militants pacifiques, des journalistes, des artistes et même des citoyens de la diaspora en font les frais, par la censure, l’arbitraire judiciaire ou l’exil forcé. Les rapports des ONG internationales en témoignent année après année, confirmant que les droits fondamentaux en Algérie ne sont pas pleinement garantis, mais conditionnels et fragiles.
La situation des droits humains en Algérie ne relève pas d’une dérive ponctuelle, mais bien d’un phénomène enraciné dans le fonctionnement de l’État depuis plusieurs décennies. Malgré les engagements constitutionnels et les déclarations officielles qui se veulent rassurantes, les pratiques documentées – détentions arbitraires, répression de la liberté d’expression, usage abusif de la législation antiterroriste – traduisent une dynamique persistante de contrôle autoritaire.
Ainsi, pour que les droits humains cessent d’être un simple argument de façade, il faudra bien plus que des déclarations institutionnelles : il faudra des réformes structurelles et un véritable respect de la voix citoyenne.
Le contraste entre les promesses institutionnelles et la réalité vécue par les militants, les journalistes, les artistes ou les simples citoyens engagés montre que la protection des droits fondamentaux reste largement conditionnée par les considérations politiques du moment. En somme, la rhétorique officielle ne suffit pas à masquer une vérité amère : en Algérie, les droits humains ne sont pas garantis, ils sont tolérés… jusqu’à preuve du contraire.
La rédaction
コメント