Décret présidentiel: L'armée s'invite dans les couloirs du pouvoir civil
- cfda47
- 15 juil. 2024
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Le récent décret présidentiel codifiant le détachement des personnels militaires dans l'administration civile suscite des interrogations profondes sur l'équilibre des pouvoirs en Algérie. Cette mesure, présentée comme une simple formalisation de pratiques existantes, pourrait avoir des implications considérables sur la gouvernance du pays.
Le texte, signé par le président Tebboune, définit le détachement comme « une position statutaire dans laquelle sont placés les personnels militaires de carrière et contractuels hors des corps constitutifs de l'Armée nationale populaire, pour occuper un emploi dans une administration civile publique ». Cette définition, en apparence anodine, ouvre la voie à une présence accrue des militaires dans les secteurs stratégiques de l'État.
L'article 8 du décret est particulièrement révélateur, autorisant le « détachement des officiers généraux et des officiers supérieurs pour occuper certaines fonctions supérieures de l'Etat au sein des secteurs stratégiques et sensibles en termes de souveraineté et d'intérêts vitaux pour le pays ». Cette disposition pourrait renforcer l'influence déjà considérable de l'armée sur les affaires civiles, soulevant des questions sur la séparation entre le pouvoir civil et militaire.
Le processus de détachement, bien qu'encadré, laisse une large marge de manœuvre au ministre de la Défense nationale. Le décret stipule clairement que le détachement n'est possible que « sur décision du ministre de la Défense nationale ». Ce pouvoir de décision final pourrait potentiellement créer des conflits d'intérêts et compromettre l'indépendance de certaines institutions.
Par ailleurs, la limitation à « une seule fois dans la carrière » pourrait paradoxalement inciter les militaires détachés à maximiser leur influence durant leur mandat, sachant qu'ils n'auront pas d'autre opportunité. La durée du détachement, fixée à « une année renouvelable, dans la limite de trois ans », soulève également des questions sur la continuité et l'efficacité de l'administration.
Le décret précise que « le détachement s'effectue dans un emploi en adéquation avec le grade détenu par le personnel militaire de carrière ou contractuel détaché et la fonction ou le poste occupé avant la date de détachement ». Cependant, cette disposition soulève des interrogations sur la compétence des militaires à occuper des postes civils spécialisés. Bien que leur expérience en matière de sécurité soit précieuse, leur formation est-elle adaptée à tous les postes envisagés dans l'administration civile ?
Un point particulièrement intriguant est l'article 24, qui mentionne que « les conditions et les modalités de détachement et de gestion des personnels militaires de carrière et contractuels auprès de certaines structures relevant des services de la présidence de la République, sont fixées par un texte particulier ». Cette disposition laisse entrevoir la possibilité d'un traitement spécial pour les détachements au plus haut niveau de l'État, ce qui pourrait accentuer l'influence militaire au cœur même du pouvoir exécutif.
Si cette mesure vise officiellement à renforcer l'efficacité de l'administration, elle risque aussi de consolider l'emprise du pouvoir militaire sur les institutions civiles. Dans un pays où l'armée joue déjà un rôle prépondérant, ce décret pourrait marquer un pas supplémentaire vers une militarisation rampante de l'État algérien, remettant en question les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs et de la gouvernance démocratique.
Sophie K.



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