“Frère trahi, mais pas brisé” : depuis sa cellule, le serment d’Aggad à Boutemeur
- cfda47
- 26 juil.
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Dernière mise à jour : 28 juil.

Dans une lettre bouleversante écrite depuis sa cellule de la prison de Koléa, le militant kabyle Madjid Aggad interpelle publiquement un ancien camarade de lutte, le professeur et intellectuel Madjid Boutemeur. Ce texte, publié sous forme de lettre ouverte, révèle les tensions profondes qui traversent les cercles militants autour de la question kabyle et du mouvement indépendantiste MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie).
Dans l’ombre d’une cellule, entre les murs silencieux de la prison de Koléa, une voix s’élève. Elle ne hurle pas, mais elle frappe. Elle n’accuse pas, mais elle interroge. C’est celle de Madjid Aggad, militant kabyle et prisonnier d’opinion, qui prend sa plume pour parler à celui qu’il appelait “frère” : Madjid Boutemeur. Autrefois complices dans la lutte pour une Kabylie digne et debout, les deux Madjid sont aujourd’hui séparés par un gouffre idéologique.
Dans cette lettre poignante, publiée comme un appel lancé dans le vide, Aggad reproche à Boutemeur d’avoir tourné le dos au combat, d’avoir traité le MAK — mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie — de “terroriste”, reprenant ainsi le discours du pouvoir algérien. Une blessure d’autant plus profonde qu’elle vient d’un homme de savoir, d’un compagnon de lutte.
“Je suis encore debout, même assis sur le sol d’une cellule.”
Cette phrase claque comme un serment. Aggad ne plie pas. Il reste fidèle à ses idées, à ses racines, à sa mémoire. Et surtout, il dénonce la trahison intime, celle qui fait plus mal que la prison elle-même : le reniement d’un frère. Incarcéré pour son engagement politique et son appartenance revendiquée au MAK, il dénonce non seulement la répression du régime algérien mais aussi ce qu’il considère comme une trahison personnelle : le revirement idéologique de Boutemeur, autrefois soutien actif, devenu critique virulent du mouvement.
“Toi qui dénonçais un jour mon emprisonnement, aujourd’hui… tu me renies”,
écrit Aggad, dans une formule qui condense à la fois la douleur et l’incompréhension.
“Je suis encore debout, même assis sur le sol d’une cellule” .
Cette phrase résonne comme un manifeste de dignité, un refus de se plier malgré l’isolement. Elle illustre l’idée centrale de la lettre — la résistance intérieure face au double abandon : celui de l’État et celui des proches.
Mais au-delà du cas personnel, cette lettre met en lumière un clivage de plus en plus apparent : entre les militants radicaux qui continuent d'appeler à l'autodétermination et les figures académiques ou politiques qui, pour diverses raisons, prennent leurs distances. Elle pose une question brûlante : que devient la fraternité militante quand les trajectoires s’opposent ?
La lettre devient alors bien plus qu’un témoignage. Elle devient manifeste, chant de douleur et de fierté. Comme une page arrachée au carnet de Mandela ou d’Antonio Gramsci, elle montre que le silence carcéral peut abriter des éclats de vérité.
Elle interroge : peut-on évoluer sans renier ses principes ? Peut-on être intellectuel sans oublier d’où l’on vient ? Et surtout — que reste-t-il d’une lutte quand ceux qui la portaient ensemble deviennent étrangers ?
Ce témoignage soulève aussi des interrogations plus larges : Peut-on rester fidèle à une cause sans se heurter à l’inertie institutionnelle et aux dérives autoritaires ?. Quel est le prix de l’engagement, quand même les proches se détournent ? Et comment l’histoire retiendra-t-elle les voix marginalisées mais inébranlables ?
Face au mutisme des institutions, à la répression rampante et aux alliances floues, Aggad pose une vérité nue : le combat identitaire kabyle est aussi un combat pour la mémoire, pour la loyauté, pour une parole qui ne s’achète pas.
Cette lettre n’est pas un simple grief personnel. Elle est le reflet d’une fracture : celle entre les convictions de terrain et les compromis des élites. Elle réveille la mémoire kabyle. Elle interpelle celles et ceux qui ont troqué la résistance pour le confort.
Pour l’instant, Madjid Aggad reste derrière les barreaux, mais sa voix franchit les murs. Elle rappelle que les prisonniers d’opinion ne sont pas que des cas judiciaires, mais des miroirs tendus à une société en mutation.
« Un frère trahi, mais pas brisé ».
Et même derrière les barreaux, cette parole traverse les murs.
La rédaction



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