“Houris”: Un roman au cœur d'une délicate controverse éthique et littéraire
- cfda47
- 19 nov. 2024
- 2 min de lecture

Dans les méandres de la littérature contemporaine, un roman vient bouleverser les frontières fragiles entre fiction et intimité. “Houris”, le dernier opus de Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024, est devenu l'épicentre d'une tempête médiatique et morale qui agite l'Algérie et le monde littéraire.
Au cœur de cette tourmente se trouve Saâda Arbane, rescapée d'un massacre qui a déchiré sa famille durant la guerre civile algérienne des années 1990. Survivante d'une tentative d'égorgement qui lui a arraché une partie de sa voix, Saâda incarne la douleur d'une génération fracturée par la violence. Aujourd'hui, elle élève une voix différente, celle de la protestation contre ce qu'elle considère comme une violation de son intimité la plus profonde.
Sa confession, diffusée sur One TV le 15 novembre, est aussi bouleversante que précise. Selon elle, le roman “Houris” n'est rien de moins qu'une transposition quasi littérale de confidences personnelles livrées lors de séances de thérapie avec l'épouse de Kamel Daoud, psychiatre de profession. Les similitudes entre son histoire personnelle et le personnage d'Aube dans le roman seraient si troublantes qu'elles ne pourraient provenir que de révélations intimes et confidentielles.
Le roman se trouve désormais au cœur d'un débat juridique et éthique complexe. Le secret médical, pilier sacré de la relation thérapeutique, a-t-il été transgressé ? Les experts juridiques sont partagés. Une potentielle action contre l'épouse de Daoud pourrait être envisageable, tandis que les poursuites contre l'écrivain s'avéreraient plus délicates en raison de l'absence de mention nominative directe.
Réactions et polarisation du débat
Antoine Gallimard, l'éditeur, défend farouchement l'œuvre. Pour lui, “Houris” relève de la pure création fictionnelle, inspirée certes de faits réels, mais profondément transformée par l'imaginaire de l'écrivain.
Toujours selon l’editeur, le contexte politique ne peut être ignoré, puisque “Houris” a été proscrit du Salon international du livre d'Alger. « Depuis la publication de son roman, Kamel Daoud fait l’objet de violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature », poursuit-il.
Il faut rappeler que cette interdiction s'inscrit dans un contexte de tensions persistantes autour de Kamel Daoud, dont la popularité a décliné après des prises de position controversées sur le mouvement Hirak et ses collaborations avec des médias perçus comme hostiles à l’Algérie.
Au-delà des aspects juridiques et médiatiques, c'est une réflexion fondamentale sur la création artistique qui est engagée. Jusqu'où un écrivain peut-il puiser dans des histoires personnelles ? Comment concilier liberté créatrice et respect de l'intimité ? Où tracer la ligne entre inspiration et appropriation ?
Sophie K.
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