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L’arme de la pauvreté : comment l’Algérie prive d’anciens détenus de leurs droits

  • cfda47
  • il y a 1 jour
  • 4 min de lecture

Slimane Bouhafs est une histoire à lui tout seul. Ce chrétien algérien, né dans la commune de Bouandas à Sétif il y a 58 ans, a fait plusieurs séjours en prison. En 2021, il a été « kidnappé » en Tunisie où il bénéficiait pourtant du statut de réfugié pour être ramené, jugé puis condamné à une peine de 3 ans de prison en Algérie.


Les destins brisés de nombreux Algériens, réduits à l’anonymat par le pouvoir, illustrent une mécanique implacable où la répression ne s’arrête pas aux murs des prisons. Certains militants, journalistes ou lanceurs d’alerte, après avoir purgé leurs peines, se retrouvent plongés dans une précarité qui les exclut socialement et économiquement. Privés de leurs droits fondamentaux, ils doivent affronter une forme silencieuse de répression qui prend la forme d’une paupérisation organisée, où les barrières administratives les empêchent d’accéder aux ressources essentielles pour reconstruire leur vie.


Slimane Bouhafs : de la prison à la précarité, un combat sans fin

En septembre 2024, Slimane Bouhafs a quitté la prison. Depuis, l’homme est non seulement sans-papiers, mais il fait face à un autre drame : infirme à 80%, il dépend de la pension alimentaire pour vivre. Or, faute de documents administratifs, qui sont toujours retenus par les autorités, aucune démarche n’est possible.


En novembre 2024, il a écrit une lettre au ministre du Travail pour lui permettre de récupérer ses documents. En vain. Plus de sept mois après, la situation reste inchangée. Slimane Bouhafs est réduit à la pauvreté, à la souffrance. Après avoir été privé de liberté durant cinq ans (il avait déjà été emprisonné sous Bouteflika pour ses activités cultuelles), l’homme est privé de ressources financières qui lui permettent de vivre dans la dignité.


L’appauvrissement, l’autre peine des anciens détenus d’opinion

Cette arme de la paupérisation, d’autres militants l’ont connue. Sur instruction des autorités ou par simple zèle, des responsables se permettent de priver d’anciens détenus de leur gagne-pain, parfois au mépris de la loi puisqu’ils refusent d’appliquer des décisions de justice qui demandent par exemple la réintégration de la personne condamnée dans son poste de travail.


Cette privatisation de justice, où la privation de revenus devient une punition prolongée, touche aussi Abdelkrim Zeghileche, autre militant qui, après avoir été emprisonné, a vu son entreprise disparaître et son équipement confisqué, le laissant sans emploi et sans moyen de subsistance.

Ce militant qui réside à Constantine, qui a fait plusieurs séjours en prison depuis 2018, passe du jour au lendemain d’un homme d’affaires à qui tout réussit à un chômeur qui ne possède presque plus rien.


Fondateur d’une société service de smsing, l’homme avait un quasi-monopole sur le marché. Il a gagné de l’argent et comme il avait l’âme de militant, il a investi une bonne partie de ces bénéfices pour monter une webradio, Sarbacane, à Alger d’abord puis à Constantine. L’antenne de son média est vite ouverte à tout le monde. Ça critique à tout-va et le couperet tombe en même temps que les ennuis judiciaires arrivent. Abdelkrim Zeghileche est emprisonné, son entreprise est fermée et le matériel de la radio, qui lui avait coûté plus de 20 millions de dinars à l’époque, est saisi. Il vit depuis grâce à la solidarité de ses proches.


Destins brisés : ces Algériens que le pouvoir réduit à l’anonymat 

Le cas de Rabah Karèche, journaliste emprisonné pour ses écrits, montre une autre facette de cette stratégie. À sa libération, il a été intimidé, ses salaires bloqués, jusqu’à ce qu’il abandonne sa fonction. L’acharnement administratif devient ainsi une arme de contrôle, laissant les anciens détenus face à un dilemme cruel : exil, misère ou silence.


Correspondant de presse à Tamanrasset durant de longues années, Rabah Karèche a vécu l’enfer. Emprisonné à cause d’un article, l’administration de la wilaya où il exerçait comme fonctionnaire en plus de ses activités journalistiques, a tout fait pour le pousser à la porte : salaires bloqués, intimidations et menaces étaient son lot quotidien depuis sa sortie de prison en septembre 2021. Il a fini par lâcher. Un sort qu’ont connu des dizaines d’autres militants et personnalités.


Certains, comme Nouredine Tounsi, lanceur d’alerte d’Oran, n’ont jamais pu retrouver leur poste après leur emprisonnement. Cette sanction informelle crée une marginalisation forcée qui brise des vies dans le silence.


Entre exil, détention et pauvreté : la lutte invisible des anciens prisonniers politiques

Souvent, ces histoires se passent dans le silence, l’anonymat. Les familles de détenus et d’anciens prisonniers qui n’ont pas de ressources doivent compter sur la solidarité quand elle existe. Les autorités, elles, restent sourdes. Cette situation ne concerne pas seulement ces figures connues. De nombreux militants ou ex-détenus, souvent anonymes, vivent dans l’indifférence générale, exclus du système économique et social.


Dans un pays où les pressions judiciaires et administratives sont devenues des outils politiques, la perte de ressources et l’isolement deviennent une peine invisible, mais tout aussi dévastatrice. Derrière chaque cas se cache une histoire de résistance, une bataille contre l’effacement, où la survie devient un acte de défiance face à une machine répressive qui cherche à réduire ces figures à l’oubli.


E. Wakli

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