La nouvelle loi anti-drogue relance le débat sur le respect des libertés individuelles à l’école et au travail
- cfda47
- 18 juil.
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En adoptant le 13 juillet une loi imposant des tests de dépistage obligatoires dans les établissements scolaires et pour l’accès à l’emploi, l’Algérie ouvre une nouvelle étape dans sa politique de lutte contre les stupéfiants. Mais cette initiative soulève des interrogations majeures sur le respect des droits fondamentaux des citoyens.
Une loi controversée, publiée le 13 juillet 2025 dans le Journal Officiel n°43, marque un tournant dans la lutte contre la consommation de drogues en Algérie. Les autorités introduisent des mesures inédites de dépistage visant aussi bien les futurs salariés que les élèves du pays.
L’Algérie fait face à une hausse des saisies de drogues ces dernières années, notamment le cannabis en provenance du Maroc. Les autorités semblent vouloir frapper fort pour dissuader la consommation dès le plus jeune âge.
Désormais, tout candidat à un poste — qu’il soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé — devra se soumettre à un test de dépistage de substances illicites avant son embauche. Cette mesure vise à « garantir un environnement de travail sain » selon le ministère de la Santé, tout en réduisant les risques d’accidents liés à la consommation de drogues. La loi est entrée en vigueur peu après et marque un tournant dans la politique nationale de lutte contre les stupéfiants.
Dépistage dans les écoles : une mesure préventive
La loi autorise également le dépistage des élèves dans les établissements scolaires, avec l’accord préalable des représentants légaux. Objectif : détecter et accompagner les jeunes exposés à des comportements à risque. L’accent est mis sur le suivi médical et psychologique, sans sanctions pénales en cas de résultat positif.
Présentée comme un outil de prévention, cette disposition vise à détecter les jeunes en situation de risque et à leur offrir un accompagnement médical. Si l’intention semble bienveillante, des experts en protection de l’enfance s’alarment de l’absence de balises claires sur le suivi post-dépistage et la confidentialité des résultats.
Des tests obligatoires pour les candidats à l’emploi
Dans le secteur professionnel, la loi impose un dépistage systématique à toute personne souhaitant intégrer le monde du travail. Si l’objectif affiché est de garantir un « environnement professionnel sain », certains syndicats dénoncent une atteinte aux principes de non-discrimination et de vie privée. D’autres craignent que les résultats des tests puissent être utilisés comme levier de pression ou de rejet, en dehors de toute logique thérapeutique.
Les défenseurs des libertés fondamentales appellent à un encadrement juridique strict. Ils soulignent que l’application de la loi doit s’accompagner de garanties.
Libertés individuelles en question
Cette nouvelle loi anti-drogue en Algérie soulève un débat intense dans la société. Les partisans y voient une démarche progressiste, estimant qu’elle aborde la toxicomanie comme un défi de santé publique plutôt qu’un délit à punir. Pour eux, le dépistage obligatoire peut permettre une détection précoce et une prise en charge adaptée, loin de la stigmatisation judiciaire.
À l’inverse, les défenseurs des droits humains s’inquiètent des implications en matière de vie privée, notamment la généralisation des tests dans les écoles et les entreprises. Ils questionnent l’encadrement légal de ces contrôles, craignant que les droits fondamentaux ne soient compromis au nom de la prévention.
Le Conseil National des Droits de l’Homme en Algérie a émis un avis mitigé, appelant à une révision du texte pour assurer la conformité avec les engagements internationaux du pays.
Une lutte justifiée, mais à quel prix ?
Cette intensification des mesures de contrôle en Algérie s’inscrit dans une stratégie gouvernementale de sécurisation sociale et éducative face à une circulation accrue de drogues dans la région. Le Maroc, principal producteur de cannabis en Afrique du Nord, est régulièrement cité dans les rapports de saisie des douanes algériennes — une réalité qui alimente la volonté des autorités de resserrer les filets dès les sphères scolaires et professionnelles. Dans ce contexte, la loi apparaît comme une réponse ferme. Toutefois, nombre d’observateurs insistent sur la nécessité de mener cette lutte sans compromettre les droits des citoyens. Car une société saine ne peut se construire uniquement sur le contrôle, mais aussi sur la confiance, l’éducation, et le respect des libertés individuelles.
En ciblant prioritairement les jeunes, l’État algérien cherche à construire un rempart préventif contre l’addiction, en la traitant non plus uniquement comme un délit mais comme un risque sanitaire. Ce changement de paradigme reflète une prise de conscience : la lutte contre les stupéfiants ne se gagne pas uniquement par la répression, mais aussi par la détection précoce, la sensibilisation et l'accompagnement des plus vulnérables.
Cette politique, bien qu’ambitieuse, soulève encore de nombreuses interrogations quant à son efficacité réelle, à son respect des libertés individuelles et à la transparence des pratiques médicales mises en œuvre. C’est désormais sur le terrain, au sein des écoles, des entreprises et des familles, que cette loi révélera ses véritables effets.
Yacine M



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