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La violence du silence” : quatre jours pour briser l'omerta des disparitions forcées

  • cfda47
  • il y a 2 jours
  • 3 min de lecture
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Plus de 300 000 disparus en Syrie, 3000 tombes supposées anonymes en Algérie, des millions de familles dans l'attente d'une vérité que les États refusent de révéler. Du 27 au 30 août, Paris a donné voix à ceux que les gouvernements voudraient faire taire à jamais.  


En cette Journée internationale des victimes de disparitions forcées, la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED) conclut aujourd'hui une campagne de quatre jours à Paris. Témoignages, conférences et rassemblements ont donné voix aux familles brisées par le silence des États.  


“Dites-nous où ils sont, dites-nous si vous avez abandonné les corps. Nous ne demandons pas grand-chose, seulement la vérité”. Ces mots de Nassera Dutour, présidente franco-algérienne de la FEMED, ont résonné mercredi lors de la conférence “La violence du silence” organisée au siège d'Amnesty International.  


Cette militante infatigable dénonce un “silence assourdissant” des États, un “mépris affiché” : “C'est comme si nous étions considérés comme des bactéries, comme des riens”. Elle rappelle les mots cinglants de l'ancien président algérien Bouteflika en 1999, qui avait traité les familles de disparus de “pleureuses” : “Vous me faites honte dans le monde avec vos photos.”  


Face à ce déni institutionnel, Nassera Dutour revendique le rôle central des mères : “Ce sont elles qui ont posé la question des disparitions forcées, qui ont mené la lutte, qui ont été emprisonnées, qui ont pris les coups”. En Algérie, “trois mille tombes supposées anonymes” attendent encore d'être ouvertes malgré les demandes répétées d'anthropologues internationaux.  


“Enlevés sans aucune raison, pour acheter du pain au fournil”  


Le témoignage d'Ahmad, recueilli place de la République, révèle l'ampleur du drame syrien. Issu “d'une famille qui a perdu plusieurs de ses membres dans les prisons du régime”, il dénonce l'inaction de la communauté internationale : “Tout le monde sait où se trouvent nos disparus. Même s'ils ne sont plus en vie, il est de notre droit de leur rendre justice.”  


Selon les ONG, plus de 300 000 personnes ont été victimes de disparition forcée en Syrie. “Depuis plus de cinquante ans, la répression n'a jamais fait de distinction entre adultes et enfants”, explique Ahmad. Des milliers de femmes et d'enfants ont été “enlevés sans aucune raison”, parfois simplement “pour acheter du pain au fournil”. Les familles syriennes, regroupées dans le collectif Familles Caesar, s'appuient sur les “photos Caesar” - ces images de torture diffusées par un transfuge - pour identifier leurs proches. Mais beaucoup "demeurent encore portés disparus", leurs corps retrouvés dans des fosses communes ou jamais localisés.  


La FEMED, qui regroupe 24 organisations du pourtour méditerranéen et d'Amérique latine, révèle l'ampleur planétaire du phénomène. Au Chili, entre 1973 et 1990, 1 469 personnes ont disparu. “Étudiants, médecins, ouvriers" : les victimes "viennent de tous les milieux sociaux”, rappelle l'organisation.  


Nassera Dutour élargit le constat : “La pratique de la disparition forcée est répandue dans le monde entier. Ce n'est pas seulement en Algérie, au Maroc ou en Amérique latine, mais aussi en Asie. Certainement en Chine, où des enfants disparaissent”. Un silence qu'elle impute à la géopolitique : “Personne ne veut savoir, personne n'a d'informations.”  


“Nous ne cherchons pas des réunions symboliques”  


La campagne parisienne, qui s'achève aujourd'hui place de la République, a mobilisé experts et familles depuis mercredi. Rassemblements place de la Bastille, projection du film “La Terre a promis au ciel” à l'Hôtel de Ville, conférence académique : chaque événement a porté la voix des familles.  


Emmanuel Decaux, ex-président du Comité des disparitions forcées de l'ONU, a analysé “le droit face au silence, entre déni et oubli”. La psychologue Linda Amroun a exploré “les blessures invisibles des familles algériennes après la décennie noire”, tandis que Sana Yazigi, du Collectif Mémoire Créative de la Révolution Syrienne, s'est attachée à “combattre le déni”.  


“Nous ne cherchons pas des réunions symboliques, mais une action collective, concrète et sincère”, martèlent les familles syriennes dans leur lettre ouverte. Elles interpellent directement les Nations unies : “N'abandonnez rien, ne laissez pas ce dossier s'enterrer avec nos morts.”  


L'exemple du Chili, où “il a fallu plus de trente ans pour révéler la vérité”, nourrit leurs espoirs. Mais ils préviennent : “Seule une pression internationale constante pourra obliger les autorités à révéler la vérité. Sinon, tous les gouvernements chercheront à refermer ce dossier car il dérange.”  


En cette journée du 30 août, place de la République, stands et témoignages rappellent que derrière chaque statistique se cache “une histoire, une famille brisée, une douleur immense". Car comme le rappelle la FEMED : “Chaque chiffre cache une histoire.”  


Amine B.  

 
 
 

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