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« Le Rebelle n’est pas à vendre » : la famille Matoub dit « non » à Drancy

  • cfda47
  • 19 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 sept.

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La famille de Matoub Lounès et la Fondation refusent de participer à la commémoration de Drancy. Elles dénoncent des hommages « vides de sens », une mémoire amputée de l’essentiel, et préviennent : le Rebelle ne saurait être instrumentalisé.   


La Fondation Matoub et la famille du chanteur assassiné en juin 1998 viennent d’annoncer leur refus de participer à la commémoration prévue à Drancy. Le geste est lourd de sens : il marque une rupture face à une série de cérémonies jugées superficielles, incapables de porter l’héritage du « Rebelle ». Dans un communiqué rendu public ce vendredi, ses proches dénoncent « le refus de toute censure de l'identité de Matoub Lounès, qu’elle soit directe ou insidieuse » et affirment qu’ils ne cautionneront pas un hommage « vidé de substance ».   

« Matoub n'était pas seulement un artiste engagé. Il était un patriote algérien, un Kabyle profondément attaché à ses racines », rappellent-ils.

Pour la famille, réduire son parcours à une image aseptisée, expurgée de son combat identitaire et politique, revient à « nier l’essence même de son combat, de sa pensée et de son œuvre ».   


Depuis plusieurs années, en France comme en Algérie, le nom de Matoub est utilisé, voire accaparé, par des institutions, des municipalités ou des groupes politiques qui revendiquent une mémoire fragmentée. Les inaugurations de plaques, de rues ou de salles à son nom se multiplient, mais souvent sans la profondeur ni l’exigence que la figure de l’artiste exige. La famille dénonce « des cérémonies vides de sens, sans véritable organisation, sans parole donnée à ceux qui ont côtoyé Matoub, partagé ses combats ou marché à ses côtés ».  Ces hommages de façade masquent, selon elle, un enjeu plus profond :

« Tout semble indiquer que l’objectif n’est plus de rendre hommage à l’homme, mais de permettre aux anonymes, absents d’hier présents d’aujourd’hui, d’occuper des estrades pour flatter des egos fanés, et maquiller par des commémorations de façade une réalité plus sombre : celle de l’exclusion, de la division, et du déni identitaire. »   

En filigrane, c’est le sort réservé à la mémoire de Matoub qui ressurgit, entre silence officiel et commémorations édulcorées. En Algérie, son assassinat reste officiellement non élucidé. « L’élucidation demeure enfermée dans les non-dits d’une histoire officielle qui préfère le silence à la vérité », écrivent ses proches. Ce silence d’État nourrit les soupçons et alimente une fracture mémorielle. Le Rebelle, qui a dénoncé avec force les injustices, reste une figure encombrante pour un régime qui continue de craindre la puissance politique et culturelle de son héritage.   


En France, où la diaspora kabyle et algérienne entretient sa mémoire, l’instrumentalisation prend une autre forme : récupération institutionnelle, neutralisation du message par des cérémonies symboliques, parfois organisées sans concertation avec ceux qui revendiquent une filiation directe avec son combat. C’est tout le paradoxe de Drancy : une mairie qui honore l’artiste tout en l’amputant de ce qui faisait son essence – son attachement à la Kabylie, sa critique radicale du pouvoir algérien et son combat pour la démocratie.   


Le communiqué va plus loin en lançant un avertissement à destination des fans : « Soyez attentifs à qui vous entoure, à qui vous prêtez votre image, et à quelles causes vous êtes associés malgré vous. » Ce n’est pas un détail. Les proches de Matoub craignent que des militants, sincères mais mal informés, se retrouvent instrumentalisés par des structures ou des intérêts qui ne partagent pas les valeurs du Rebelle. 


Cet avertissement ne vise pas seulement quelques cérémonies mal montées. Il pointe une réalité plus large et Drancy n’est qu’un symptôme. En Algérie comme en France, l’héritage de Matoub dérange. Trop kabyle, trop libre, trop politique pour être domestiqué. Sa mémoire, comme sa voix, reste un caillou dans la chaussure des pouvoirs et des opportunistes. Et c’est précisément ce qui en fait une mémoire vivante.


Sophie A.   


Lien vers la déclaration 👇


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