Libération de Boualem Sansal : quand Alger transforme la répression en arme diplomatique
- cfda47
- il y a 14 heures
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L’affaire Boualem Sansal illustre une instrumentalisation politique par Alger : son arrestation et sa condamnation ont servi de levier diplomatique, avant que sa grâce ne soit présentée comme un geste humanitaire, sous pression internationale. En somme, l’affaire a été transformée par Alger en outil diplomatique et politique, d’abord pour affirmer sa souveraineté face aux critiques, puis pour négocier son image internationale en cédant sous pression étrangère tout en gardant la main sur le récit officiel.
L’affaire Boualem Sansal s’est imposée comme un révélateur des tensions entre Alger et ses partenaires internationaux, mais aussi comme un instrument politique manié avec calcul par le pouvoir algérien.
L’écrivain, âgé de 80 ans, a été arrêté en novembre 2024 pour des propos jugés attentatoires à l’intégrité du territoire, notamment sur la question sensible des frontières avec le Maroc. Sa condamnation à cinq ans de prison ferme en mars 2025, confirmée en appel en juillet, a immédiatement suscité une vague d’indignation en France et au-delà, transformant un dossier littéraire et intellectuel en affaire d’État.
Alger a choisi de présenter cette condamnation comme une défense de la souveraineté nationale et de l’unité du pays. Dans un contexte où la question des frontières reste un sujet hautement symbolique, le pouvoir a utilisé l’affaire pour réaffirmer son autorité et rappeler que toute remise en cause de l’intégrité territoriale serait sanctionnée. Ce choix n’était pas seulement judiciaire : il s’agissait d’un signal politique adressé à l’opinion publique interne, mais aussi à l’étranger, pour montrer que l’Algérie ne tolère pas de critiques sur ses lignes rouges.
La dimension diplomatique est apparue très vite. Paris a multiplié les appels à une issue humanitaire, mais Alger a résisté, préférant transformer le dossier en levier dans ses relations avec la France. Les tensions se sont accrues, avec expulsions de diplomates et gel de certaines coopérations. En parallèle, l’affaire Sansal a été instrumentalisée pour nourrir un discours de fermeté face à l’ancienne puissance coloniale, renforçant l’image d’un État qui défend sa souveraineté contre les ingérences.
C’est finalement l’Allemagne qui a joué un rôle décisif. Le président Frank-Walter Steinmeier a directement demandé la grâce de Sansal à Abdelmadjid Tebboune, et c’est à Berlin que le pouvoir algérien a choisi de répondre. Le 12 novembre 2025, Alger annonce une grâce « humanitaire », officiellement motivée par l’âge et l’état de santé de l’écrivain. Mais derrière cette justification, la décision apparaît comme un geste diplomatique calculé : céder à la pression internationale tout en évitant de donner l’impression de plier devant Paris.
Ainsi, l’affaire Sansal illustre une double instrumentalisation. Sur le plan interne, elle a servi à réprimer une voix dissidente et à réaffirmer l’autorité du pouvoir sur les questions de souveraineté. Sur le plan externe, elle a été utilisée comme monnaie d’échange dans les relations internationales, permettant à Alger de se poser en acteur souverain qui choisit à qui et quand il concède une grâce. La libération de l’écrivain, présentée comme un geste magnanime, n’efface pas la logique de calcul politique qui a dominé tout le dossier.
Ce qui reste, au-delà de la trajectoire personnelle de Boualem Sansal, c’est l’image d’un pouvoir qui transforme la liberté d’expression en enjeu diplomatique, et qui fait de la répression d’une voix intellectuelle un outil de négociation. L’affaire rappelle combien la littérature et la parole critique peuvent devenir, en Algérie, des terrains de confrontation politique, où la souveraineté nationale est brandie comme justification, mais où les équilibres internationaux dictent finalement l’issue.
La rédaction



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