“Libérez Mohamed Tadjadit !” : Amnesty, la FIDH et dix-huit autres ONG interpellent Alger
- cfda47
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Ses mots ont fait vibrer les rues d’Alger, ils résonnent désormais derrière les murs d’El Harrach. Vingt organisations réclament la libération du poète Mohamed Tadjadit, accusé de "terrorisme" pour avoir donné une voix au rêve d’un peuple.
À la veille de sa première audience, prévue ce mardi 11 novembre à Alger, vingt organisations algériennes, régionales et internationales appellent les autorités à libérer le poète et militant Mohamed Tadjadit et à abandonner toutes les charges retenues contre lui. Il est poursuivi avec douze autres militants pour "terrorisme" et "complot contre l’État", des accusations passibles de la peine capitale. Les signataires, parmi lesquels Amnesty International, la FIDH, PEN International, PEN America, Freemuse, EuroMed Rights et le Cairo Institute for Human Rights Studies, dénoncent un dossier vide et une instrumentalisation de la justice pour faire taire les voix dissidentes.
Mohamed Tadjadit est devenu, depuis 2019, l’un des symboles du Hirak, ce mouvement populaire qui a porté des millions d’Algériens dans la rue contre le cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Ses poèmes, déclamés dans les cortèges ou publiés en ligne, célébraient la liberté et la dignité. Pour les autorités, ils étaient devenus une menace. Le poète a ainsi connu une succession d’arrestations et de procès qui traduisent l’acharnement judiciaire dont il est la cible.
Sa première arrestation remonte à novembre 2019, lors d’un rassemblement en soutien aux détenus du Hirak. Il est condamné le mois suivant à dix-huit mois de prison. Entre 2019 et 2024, il est interpellé et emprisonné à au moins six reprises, chaque fois pour des motifs liés à son activisme pacifique ou à ses écrits. En octobre 2024, il bénéficie d’une grâce présidentielle après neuf mois de détention provisoire pour une accusation de terrorisme sans fondement.
Deux mois plus tard, en janvier 2025, il est de nouveau arrêté. À l’issue d’un procès accéléré, il est condamné à cinq ans de prison ferme et à une amende de 200 000 dinars, soit environ 1 340 euros, pour atteinte à l’unité nationale, publication d’informations nuisibles à l’intérêt national, incitation à rassemblement non armé et offense à corps constitué. Sa peine est réduite à un an en appel, mais son appel dans une autre affaire, prévu pour avril 2025, a depuis été reporté à plusieurs reprises.
Aujourd’hui détenu à la prison d’El Harrach à Alger, il doit être jugé de nouveau les 11 et 30 novembre, dans une affaire qui implique douze militants, dont six actuellement en détention, deux en exil et quatre sous liberté conditionnelle. Tous sont poursuivis en vertu de dispositions antiterroristes au libellé large, souvent utilisées pour étouffer la contestation politique.
Les organisations signataires rappellent que la persécution de Mohamed Tadjadit repose uniquement sur ses poèmes et son engagement pacifique, ce qui constitue une violation de ses droits fondamentaux. Elles soulignent que la criminalisation de l’expression artistique et politique pacifique en Algérie envoie un signal inquiétant à tous ceux qui exercent leur liberté d’expression. En 2024, le poète avait été nommé pour le prix Index on Censorship Freedom of Expression Award, qui distingue les voix courageuses à travers le monde. Une reconnaissance internationale que les autorités ont perçue comme un défi.
Mohamed Tadjadit n’a jamais appelé à la violence. Il a simplement continué à écrire et à parler, convaincu que la poésie pouvait dire ce que la société ne veut plus entendre. Son parcours témoigne d’un système judiciaire utilisé comme instrument de répression contre toute pensée critique. Son procès de ce 11 novembre sera suivi de très près, car au-delà du sort d’un poète, c’est la liberté d’expression en Algérie qui se retrouve sur le banc des accusés...à nouveau.
Amine B.



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