L'Irak est au bord d'un séisme sociétal. Un projet de loi, qualifié de « catastrophe » par ses opposants, menace de faire reculer les droits des femmes de plusieurs décennies. Le parlement irakien vient d'adopter en première lecture un texte qui pourrait abaisser l'âge légal du mariage des jeunes filles à seulement 9 ans.
Alors que l'Irak interdisait jusqu'à présent le mariage avant 18 ans, cette nouvelle proposition suscite une vague d'indignation dans tout le pays. Raya Faiq, coordinatrice d'une coalition opposée au projet, ne mâche pas ses mots : « Cette loi légalise le viol des enfants ». Une accusation grave qui résume l'ampleur du danger perçu par les défenseurs des droits des femmes.
La société civile se mobilise
Face à cette menace, la résistance s'organise. Des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes irakiennes, dont la capitale Bagdad. Les opposants dénoncent une tentative de retour en arrière, tandis que les partisans du texte les accusent de « décadence morale » et de « suivre les agendas occidentaux ».
Un combat politique et idéologique
Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte politique tendu. Depuis 2021, le pays est dominé par le Cadre de coordination, une coalition proche de l'Iran qui multiplie les lois inspirées de la charia. Pour Nadia Mahmood, cofondatrice de l'ONG Aman Women's Alliance, il s'agit d'une réaction à l'émancipation croissante des femmes irakiennes : « Ils ont estimé que la société civile, les organisations féministes ou de personnes issues de la diversité représentaient une menace pour leur pouvoir ».
Des femmes politiques en première ligne
Au parlement, un bloc de 25 députées tente de faire barrage au projet. Mais elles se heurtent à une opposition farouche, comme le déplore Alia Nassif : « Malheureusement, les députés masculins qui soutiennent cette loi demandent ce qu'il y a de mal à épouser une mineure. Leur raisonnement est étroit ».
Au-delà du débat politique, c'est l'avenir de milliers de jeunes filles qui est en jeu. Azhar Jassim, mariée à 16 ans et contrainte d'abandonner ses études, résume l'enjeu : « J'ai une fille, je ne veux pas qu'elle soit obligée, comme moi, de se marier dès l'enfance ».
Alors que 28% des filles irakiennes se marient déjà avant leur majorité selon l'Unicef, ce projet de loi pourrait aggraver dramatiquement la situation. L'Irak est à la croisée des chemins : protéger ses enfants ou céder à un conservatisme rétrograde ?
Sophie K.
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