Maître Anissa Smati: Les défis et avancées de la législation algérienne contre les violences faites aux femmes
- cfda47
- 16 déc. 2024
- 3 min de lecture

La législation algérienne sur les violences faites aux femmes a parcouru un long chemin. Depuis les premiers articles généraux du Code pénal jusqu’aux lois plus spécifiques adoptées récemment, les militantes, avocates et associations féministes ont joué un rôle clé dans ces avancées. Maître Anissa Smati, avocate et membre du réseau Wassila, revient sur ces évolutions lors d’une récente intervention.
Avant 2015, les violences faites aux femmes n’étaient pas spécifiquement reconnues dans le Code pénal. Elles étaient généralement abordées sous l’angle des “coups et blessures volontaires”, sans distinction des victimes.
La loi de 2015 a marqué un véritable tournant en criminalisant explicitement les violences contre les femmes, notamment dans le cadre familial et conjugal. Cette loi a également introduit de nouvelles formes de violences dans le champ juridique, telles que les violences psychologiques et économiques, souvent invisibles mais tout aussi destructrices.
Cependant, Maître Smati souligne que la mise en œuvre de cette loi reste problématique. « La loi est là, mais son application soulève des questions, notamment sur la manière dont les magistrats interprètent ces dispositions et sur le nombre de femmes qui osent porter plainte. »
Adoptée en février 2024, cette loi a renforcé la protection des femmes victimes de violences, tout en introduisant des mesures controversées. L’un des points salués par Maître Smati est l’introduction des ordonnances d’éloignement, permettant aux procureurs ou juges d’instruction d’interdire aux auteurs de violences d’approcher leurs victimes. Cette mesure, réclamée depuis longtemps par les associations, vise à protéger les femmes en éloignant leur agresseur du domicile conjugal.
Cependant, des failles subsistent. La clause du pardon, incluse dans la loi de 2015 et maintenue en 2024, reste problématique. Elle permet à une victime de retirer sa plainte, souvent sous la pression sociale ou familiale.
Cette disposition, bien que pensée pour encourager la médiation dans certains cas, est décriée pour les affaires de violences. Comme l’explique Maître Smati, « le pardon peut offrir aux agresseurs une porte de sortie et maintenir les victimes dans une situation de vulnérabilité ».
La loi de 2024 prend également en compte les nouvelles formes de violences, notamment les cyber-violences. Désormais, la diffusion de contenus intimes ou des propos diffamatoires sur Internet est sévèrement punie. Cette adaptation à l’ère numérique répond à une recrudescence des infractions liées à l’usage abusif des réseaux sociaux.
En outre, le texte s’aligne sur l’article 40 de la Constitution, qui garantit la protection des femmes contre les discriminations et les violences sexistes. Cela inclut un cadre renforcé pour les infractions visant à préserver la dignité et l’intégrité des femmes, en ligne et hors ligne.
Pour Maître Smati, ces avancées législatives, bien qu’encourageantes, nécessitent un suivi rigoureux. « Il ne suffit pas d’avoir des lois ; il faut garantir leur application et protéger les victimes des mécanismes qui pourraient les revictimiser, comme la médiation dans des cas de violences graves. »
Les associations féministes et les militantes continueront à jouer un rôle crucial pour surveiller l’application de ces lois et défendre les droits des femmes. Mais le combat est loin d’être terminé, notamment face à des dispositions encore perfectibles et des pratiques judiciaires parfois inadaptées.
L’État a désormais une responsabilité claire : traduire ces textes en actions concrètes pour protéger les femmes contre toutes les formes de violences et garantir leur droit à une vie digne et sécurisée.
La rédaction



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