Reggane, In Ekker : la mémoire atomique hante encore l’Algérie
- cfda47
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Dernière mise à jour : il y a 10 heures

Reggane, In Ekker : derrière le sable, des cicatrices radioactives. Depuis Vienne, Alger exige que la France assume enfin ses responsabilités.
Plus de soixante ans après les détonations qui ont irradié le Sahara, le spectre des essais nucléaires français continue de hanter la relation entre Alger et Paris. C’est à Vienne, lors de la 69ᵉ Conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), que l’Algérie a choisi de ramener sur la table ce dossier douloureux. Dans un cadre où il est question de paix et de coopération, la délégation algérienne a rappelé l’autre face de l’atome : celle des déserts contaminés et des générations sacrifiées.
Entre 1960 et 1966, la France a mené dix-sept essais nucléaires dans le Sahara. Quatre explosions atmosphériques à Reggane, treize tirs souterrains à In Ekker. Le désert devint un laboratoire à ciel ouvert, au mépris des habitants, des ouvriers, des appelés et de l’environnement. Le 13 février 1960, « Gerboise bleue » embrasait le ciel algérien et projetait le pays dans l’histoire macabre de la bombe. Deux ans plus tard, le tir « Béryl » révélait l’ampleur du désastre : l’accident avait libéré un nuage radioactif que rien n’a pu contenir. Les retombées ont touché militaires français, travailleurs locaux, populations nomades et faune saharienne.
Indépendante depuis juillet 1962, l’Algérie a pourtant continué de subir. Les accords d’Évian laissaient à Paris la liberté de poursuivre ses expérimentations jusqu’en 1966. Les territoires d’In Ekker et de Reggane, eux, portent toujours les cicatrices invisibles de ces déflagrations. Les déchets nucléaires enfouis sous le sable n’ont jamais disparu, et les témoignages des familles endeuillées rappellent qu’au Sahara, l’atome n’a rien d’un souvenir lointain.
À Vienne, la délégation algérienne a exigé des réponses. La reconnaissance officielle du drame, la décontamination des sites, l’indemnisation des victimes et de leurs familles. Elle a rappelé que la justice ne peut pas être sélective, ni limitée à quelques vétérans français. Car ce sont aussi les enfants des villages voisins, les nomades sahariens, les travailleurs précaires qui ont payé de leur santé. L’Algérie demande à la France de faire la lumière sur les archives, de rendre publics les relevés, d’assumer enfin ses responsabilités.
Paris, jusqu’ici, s’est muré dans l’ambiguïté. Les lois mémorielles sont rares et incomplètes, les indemnisations insuffisantes, et la dépollution inexistante. Derrière les arguties juridiques, c’est le refus politique de nommer les choses qui bloque tout processus. Comme si le désert pouvait engloutir les radiations et effacer les responsabilités.
Sophie A.
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