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Reportage: Les déchirures de la frontière fermée entre le Maroc et l'Algérie

  • cfda47
  • 12 juin 2024
  • 2 min de lecture
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La région orientale du Maroc, jouxtant l'Algérie voisine, est le théâtre d'une tragédie humaine perpétrée par les dissensions politiques entre les deux nations. Comme le rapporte Radio France Internationale (RFI), les populations de part et d'autre de cette ligne de démarcation subissent de plein fouet les conséquences de la fermeture des frontières depuis 1994 et de la rupture des relations diplomatiques en 2021.

 

Avant l'ère coloniale, cette contrée ne connaissait pas la notion de frontières. Aujourd'hui, les échanges commerciaux et les déplacements entre les deux pays relèvent de l'impossible, du moins par les voies légales. À Oujda, cité marocaine limitrophe de l'Algérie, la jeunesse se lamente de cette situation inédite, comme en témoigne Mounir : “Nous sommes frères. Nos cœurs sont purs. Chacun peut penser ce qu'il veut, mais nous sommes frères. Quand les frontières étaient ouvertes, Oujda et Alger... nous travaillions ensemble, ils venaient ici et nous allions là-bas.”

 

Cependant, comme le souligne Daoudi, un ancien comptable retraité, des voies détournées persistent : “On passe par des portes comme Ahfir, Bni Drar, ou même à Oujda. Les trafiquants entrent et sortent facilement, sans être inquiétés. Leur essence rentre ici et nous, nous pouvons exporter nos légumes. Le véritable problème, c'est la politique.

 

Des liens culturels et familiaux brisés

 

Au-delà des considérations économiques, c'est surtout un déchirement culturel et familial que subissent ces populations frontalières. De la ville marocaine d'Oujda à la cité algérienne d'Oran, les familles, la langue et le patrimoine sont intrinsèquement liés. Brahim Karkharch, barista à Saïdia, l'exprime avec affliction : “Mes parents sont originaires des montagnes de Bin Znassen, et ces montagnes s'étendent jusqu'en Algérie...”

 

Il déplore les conséquences sur ses proches : “Nous parlons amazigh, et aujourd'hui, j'ai encore de la famille à Tlemcen et Bejaia. Cela fait dix ans qu'ils ne sont pas venus, dix ans que nous ne nous sommes pas vus. Les anciens qui nous rassemblaient sont décédés, et la politique a tout gâché.”

 

Cette tragédie prend tout son sens à Bin Lajraf, un site touristique bordant une route à flanc de montagne. Dans le creux de la vallée, l'Oued Aghbal a tracé le parcours de la frontière. Derrière les barbelés, à quelques dizaines de mètres seulement, se trouve l'Algérie. “Ici, nous voyons nos frères algériens, nous échangeons des saluts, nous discutons, mais de loin”, confie un visiteur.

 

Driss, venu de Taza en famille pour contempler cette frontière, ne cache pas son incompréhension : “Regardez, nous sommes si proches, juste à côté. Mais pour me rendre en Algérie, je dois aller à Casablanca, prendre un vol pour Tunis, et ensuite rallier l'Algérie. Les Algériens et les Marocains sont frères. Nous partageons tellement avec eux... Ce combat est politique et les peuples n'y sont pour rien.

 

Ce reportage glaçant de RFI met en lumière le déchirement vécu par ces populations frontalières, unies par leur histoire, leur culture et leurs liens familiaux, mais violemment séparées par des conflits politiques qui leur échappent.


Sophie K.


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