SILA : Arezki Ait Larbi révèle que c'est la ministre de la Culture qui a ordonné sa censure
- cfda47
- il y a 1 jour
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Exclu du SILA depuis plusieurs années, Arezki Ait Larbi, fondateur de KOUKOU Éditions, révèle sur sa page Facebook que le président de la commission de censure a avoué devant un juge que les sanctions contre sa maison d'édition ont été ordonnées par la ministre de la Culture sur la base d'un “rapport secret”. Pendant ce temps, Mein Kampf et les livres d'Eric Zemmour trouvaient leur place au salon officiel.
“Des cagoulards de la censure mènent une guerre idéologique à l'ombre des institutions”. Ces mots, Arezki Ait Larbi les écrit avec la colère de celui qui se bat depuis des années contre un système opaque. Sur sa page Facebook, le président de KOUKOU Éditions lève enfin le voile sur l'origine de la censure qui le frappe : c'est la ministre de la Culture elle-même qui aurait ordonné son exclusion du SILA.
Selon l'éditeur, le président de la commission de censure aurait reconnu sur procès-verbal devant un juge d'instruction que “les mesures punitives prises contre KOUKOU Éditions ont été ordonnées directement par la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji, suite à un rapport secret des services de sécurité”, car ses publications sont jugées “destructrices” et portant “atteinte à l'image de l'Algérie”.
Cette révélation change la donne. Si le rapport secret était déjà connu, c'est la première fois qu'Arezki Ait Larbi nomme explicitement la responsable politique de la censure. Le témoignage judiciaire qu'il évoque établit une chaîne de commandement claire : rapport secret, décision ministérielle, exécution administrative. Un processus entièrement opaque où les éditeurs et auteurs visés n'ont aucune possibilité de consulter les accusations portées contre eux ou d'y répondre.
“Pour découvrir ces publications destructrices qui portent atteinte à l'image de l'Algérie, visitez le site de KOUKOU Éditions”, lance Ait Larbi, invitant chacun à juger par lui-même si son catalogue justifie une telle sanction.
Mais c'est surtout la contradiction dénoncée par l'éditeur qui interroge. Pendant que des dizaines d'auteurs algériens (universitaires, médecins, avocats, journalistes, anciens officiers de l'Armée de libération nationale) sont exclus du SILA et empêchés de rencontrer leurs lecteurs, le salon de 2023 accueillait le “Manuel du parfait salafiste” d'un auteur saoudien, “Mein Kampf” d'Adolf Hitler, les “Mémoires de Mussolini” et le dernier livre d'Eric Zemmour.
Ce dernier cas est particulièrement troublant. Au moment même où ses ouvrages bénéficiaient des honneurs d'une manifestation officielle algérienne, le leader de l'extrême droite française se trouvait à Tel Aviv pour encourager l'armée israélienne dans son offensive à Gaza. “Pour un pays qui a fait de la cause palestinienne le fil rouge de sa politique étrangère, cela relève de la haute trahison”, écrit Ait Larbi.
Comment la ministre de la Culture peut-elle expliquer qu'un partisan déclaré des opérations militaires israéliennes trouve sa place au SILA, tandis que des intellectuels algériens en sont bannis sur base d'un rapport secret ?
Arezki Ait Larbi pointe du doigt l'impunité de ceux qu'il appelle les “cagoulards de la censure”. Malgré ces contradictions flagrantes, “les cagoulards de la censure sont toujours en poste”, écrit-il. Aucune conséquence pour avoir autorisé la présence de Mein Kampf ou des livres de Zemmour au SILA. Aucune explication publique sur les critères qui président à ces choix.
La liste des exclus du SILA va bien au-delà de KOUKOU Éditions. Universitaires, médecins, avocats, journalistes, anciens officiers de l'Armée de libération nationale : des dizaines d'auteurs algériens, aux parcours et profils variés, subissent le même sort.
Aussi, cette affaire révèle une censure à géométrie variable. La ligne rouge n'est manifestement pas idéologique: le nazisme, le fascisme ou l'extrême droite peuvent trouver leur place au SILA. Elle est politique. Ce qui compte, c'est de ne pas questionner le récit officiel ou gêner les pouvoirs en place. Des auteurs algériens sont privés du droit élémentaire de rencontrer leurs lecteurs dans le principal salon du livre de leur pays, sur décision ministérielle, pendant que les héritiers idéologiques de ceux que l'Algérie a combattus trouvent refuge dans ses institutions culturelles.
En nommant Soraya Mouloudji, Arezki Ait Larbi lance un défi direct à la ministre de la Culture : expliquer publiquement pourquoi des auteurs algériens sont jugés “destructeurs” sur base d'un rapport secret, tandis que Hitler, Mussolini et un soutien de l'offensive israélienne à Gaza sont les bienvenus au SILA.
Le SILA, qui devrait être une fête du livre et de la liberté de penser, ressemble de plus en plus à un espace sous surveillance où seules certaines voix ont droit de cité.
La Rédaction



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