Tadjadit condamné à la prison ferme : la veille, vingt ONG réclamaient sa libération
- cfda47
- il y a 1 jour
- 3 min de lecture

La veille encore, on osait y croire. Vingt organisations de défense des droits humains réclamaient sa libération. Mais ce mardi soir, le verdict est tombé comme un coup de massue : cinq ans de prison ferme pour Mohamed Tadjadit, le “poète du Hirak”. En Algérie aujourd'hui, on en est réduit à espérer un sursis. Même cela a été refusé.
Le parquet avait requis dix ans. La défense plaidait l'acquittement. Entre les deux, la cour criminelle de Dar El Beïda a tranché : cinq années d'emprisonnement ferme et 200 000 dinars d'amende. Pas de sursis, pas de clémence. Juste la confirmation que dans l'Algérie de 2025, écrire des poèmes critiques peut vous coûter votre liberté pour un demi-décennie.
Ce qui rend ce verdict particulièrement amer, c'est son timing. Vingt organisations algériennes, régionales et internationales, dont Amnesty International, la FIDH, PEN International, PEN America, Freemuse, EuroMed Rights et le Cairo Institute for Human Rights Studies, venaient de publier un appel solennel réclamant l'abandon des charges et la libération immédiate de Tadjadit et de ses douze codétenus. Un appel qui portait un espoir, aussi ténu soit-il, que la mobilisation citoyenne et la pression internationale pourraient infléchir la machine judiciaire. La réponse du système a été sans équivoque.
Quand le sursis devient un luxe inespéré
Il faut mesurer l'état du champ politique algérien pour comprendre l'absurdité de la situation : on en est arrivé à un point où même les militants et leurs soutiens se surprennent à espérer un sursis. Pas l'acquittement, non. Pas même la relaxe. Juste un sursis. Le simple fait de ne pas aller immédiatement en prison serait devenu une victoire. C'est dire à quel point l'espace de liberté s'est rétréci depuis 2019.
Tadjadit fait face à trois chefs d'accusation criminels et trois délictuelles dans ce premier dossier. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Une autre procédure pèse sur lui, avec des accusations autrement plus lourdes : “terrorisme” et “complot contre l'État”. Des charges qui, dans le code pénal algérien, peuvent théoriquement mener à la peine capitale.
Le parcours de Mohamed Tadjadit depuis 2019 illustre moins une trajectoire militante qu'une descente aux enfers judiciaire. Première arrestation en novembre 2019, lors d'un rassemblement de soutien aux détenus du Hirak. Condamnation à dix-huit mois de prison le mois suivant. Entre 2019 et 2024, au moins six interpellations et emprisonnements successifs, chaque fois pour des motifs liés à son activisme pacifique ou à ses écrits.
En octobre 2024, il bénéficie d'une grâce présidentielle après neuf mois de détention provisoire pour une accusation de terrorisme sans fondement. Deux mois plus tard, en janvier 2025, il est de nouveau arrêté. À l'issue d'un procès accéléré, il écope de cinq ans ferme et 200 000 dinars d'amende pour atteinte à l'unité nationale, publication d'informations nuisibles à l'intérêt national, incitation à rassemblement non armé et offense à corps constitué. Sa peine est réduite à un an en appel, mais le cycle recommence.
Aujourd'hui détenu à la prison d'El Harrach à Alger, il doit être jugé de nouveau le 30 novembre dans une affaire impliquant douze militants, dont six en détention, deux en exil, quatre en liberté conditionnelle. Tous poursuivis en vertu de dispositions antiterroristes au libellé délibérément flou, régulièrement utilisées pour étouffer la contestation politique.
Des poèmes en darija comme pièces à conviction
En 2019, alors que des millions d'Algériens descendent dans la rue chaque vendredi contre le cinquième mandat du président Bouteflika, les poèmes de Tadjadit en darija se propagent comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Scandés dans les manifestations, partagés par milliers, ses textes célèbrent la liberté et la dignité. Pour les autorités, ils deviennent une menace. Il devient “le poète du Hirak”, une figure emblématique de cette jeunesse qui réclamait le changement.
Aujourd'hui, ces mêmes poèmes sont devenus des pièces à conviction. Les organisations signataires de l'appel à sa libération le disent noir sur blanc : “la persécution de Mohamed Tadjadit repose uniquement sur ses poèmes et son engagement pacifique”. Elles dénoncent “un dossier vide et une instrumentalisation de la justice pour faire taire les voix dissidentes”, et alertent sur les conséquences plus larges de cette répression : “la criminalisation de l'expression artistique et politique pacifique en Algérie envoie un signal inquiétant à tous ceux qui exercent leur liberté d'expression”.
Amine B.



Commentaires