À l'approche de l'élection présidentielle tunisienne prévue le 6 octobre, une vague de contestation secoue le pays. Plus d'un millier de citoyens, représentant un large éventail de la société tunisienne, sont descendus dans les rues vendredi pour exprimer leur mécontentement face à ce qu'ils perçoivent comme une régression démocratique sous la présidence de Kais Saied.
Les manifestants, dont le nombre est estimé entre 1.000 et 1.500 par les correspondants de l'AFP, ont fait entendre leur voix avec force et détermination. « Liberté liberté » et « A bas la dictature » résonnaient dans les rues, témoignant d'une frustration grandissante envers le régime actuel. Les slogans visaient directement le président sortant, accusé de dérive autoritaire depuis qu'il s'est arrogé les pleins pouvoirs à l'été 2021.
Un point focal de la protestation était la demande de « libérer les prisonniers politiques ». Cette revendication fait écho à l'incarcération d'une vingtaine d'opposants depuis le printemps 2023, parmi lesquels figurent des personnalités politiques de premier plan telles que Rached Ghannouchi et Abir Moussi. Ces arrestations, justifiées par des accusations de « complot contre la sûreté de l’État » , sont perçues par beaucoup comme une manœuvre visant à museler l'opposition.
Le contexte électoral ajoute une dimension particulière à ces manifestations. Le processus de sélection des candidats a été vivement critiqué par des organisations internationales comme Amnesty International et Human Rights Watch. Ces dernières ont pointé du doigt la disqualification des rivaux les plus sérieux de Saied, réduisant drastiquement le champ des concurrents potentiels.
Face à cette situation, la communauté internationale se mobilise. La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a annoncé la création d'un « comité de soutien international aux libertés en Tunisie ». Cette initiative, regroupant des personnalités de 13 pays, vise à « ne pas abandonner la Tunisie à la dictature et à la misère économique ».
Yosra Frawes, responsable du bureau régional de la FIDH, a souligné l’importance « d’initier un élan de solidarité internationale » avec la société civile tunisienne qui lutte pour préserver les acquis démocratiques issus de la révolution de 2011.
La Tunisie, berceau du Printemps arabe, se trouve aujourd'hui à un carrefour crucial de son histoire. Le « rêve d'une démocratie dans le monde arabe », comme l'a qualifié Mme Frawes, semble menacé. Les prochaines semaines seront décisives pour l'avenir politique du pays, alors que les citoyens réclament avec vigueur le respect des droits et des libertés fondamentales qui ont été au cœur de leur lutte il y a plus d'une décennie.
Sophie K.
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