19 juin 1965 : le jour où Boumédiène renversa Ben Bella
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Le 19 juin 1965, l’Algérie indépendante, encore jeune de trois ans, connaît un tournant décisif : un coup d’État militaire mené par le colonel Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, renverse le président Ahmed Ben Bella, premier chef d’État du pays. Ce putsch, présenté comme un « redressement révolutionnaire », marque le début d’une nouvelle ère politique, dominée par l’armée et la centralisation du pouvoir.
Le 19 juin marque un tournant majeur dans l’histoire politique de l’Algérie : c’est la date du coup d’État militaire de 1965, appelé par les instigateurs « redressement révolutionnaire ». Ce jour-là, le colonel Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, renverse le président Ahmed Ben Bella, premier chef d’État de l’Algérie indépendante.
Sans effusion de sang, ce putsch place Boumédiène à la tête du pays, où il restera président jusqu’à sa mort en 1978.
Ce coup d’État a laissé une empreinte durable sur l’Algérie contemporaine, bien au-delà de la simple transition de pouvoir entre Ben Bella et Boumédiène.
Boumédiène et Ben Bella : l’ombre d’un duel au sommet du jeune État algérien
Le coup d’État du 19 juin 1965 est justifié par ses auteurs comme une réponse à la dérive autoritaire et à la mauvaise gestion du pouvoir par Ben Bella. Il marque le début d’un régime plus centralisé, dominé par l’armée et la Sécurité militaire, et d’une nouvelle orientation politique et économique pour l’Algérie.
Le 19 juin est longtemps resté une date commémorative officielle en Algérie, célébrée comme un moment de « rectification » révolutionnaire, bien que son héritage reste controversé dans la mémoire collective.
Un contexte de tensions internes
Après l’indépendance en 1962, Ben Bella s’impose comme une figure charismatique, mais son style de gouvernance devient de plus en plus autoritaire. Il cumule les fonctions de président, chef du gouvernement, secrétaire général du FLN, et s’attribue plusieurs ministères clés. Cette concentration du pouvoir, combinée à des tensions avec le clan d’Oujda — un groupe influent de militaires dirigé par Boumédiène — alimente les frustrations au sein de l’appareil d’État.
Dans la nuit du 18 au 19 juin 1965, alors que Ben Bella prépare un remaniement ministériel qui affaiblirait encore davantage le clan d’Oujda, Boumédiène passe à l’action. Le président est arrêté à son domicile d’Alger sans résistance. Le lendemain, l’armée annonce à la radio nationale la mise en place d’un Conseil de la Révolution, dirigé par Boumédiène, qui devient de facto le nouveau chef de l’État.
Une nouvelle orientation politique
Sous Boumédiène, l’Algérie entre dans une phase de planification économique, d’industrialisation étatique et de rapprochement avec le bloc soviétique. Le régime se veut plus stable, mais aussi plus fermé, avec un contrôle renforcé sur la presse, les syndicats et les opposants. Le FLN reste parti unique, et la Sécurité militaire devient un pilier du pouvoir.
Le 19 juin a longtemps été célébré comme une date officielle en Algérie, symbole d’un « redressement » face aux dérives du pouvoir personnel. Mais avec le recul, les historiens et la société civile débattent encore de son héritage ambivalent : entre stabilité autoritaire et mise sous tutelle de la démocratie naissante.
Boumédiène et Ben Bella : Sous le drapeau de l’indépendance, une bataille pour le contrôle de la nation
Houari Boumédiène (1932–1978): De son vrai nom Mohamed Boukherouba, Houari Boumédiène naît le 23 août 1932 à Clauzel, près de Guelma. Militaire de formation, il rejoint l’Armée de libération nationale (ALN) pendant la guerre d’indépendance, où il devient une figure influente du clan d’Oujda. Après l’indépendance, il est nommé ministre de la Défense et devient l’homme fort du régime. Le 19 juin 1965, il renverse le président Ben Bella lors d’un coup d’État sans effusion de sang et prend la tête du Conseil de la Révolution.
Président de la République de 1965 à 1978, il met en place une politique de nationalisation, d’industrialisation étatique et de rapprochement avec le bloc soviétique. Il meurt à Alger le 27 décembre 1978, à l’âge de 46 ans, des suites d’une maladie rare.
Ahmed Ben Bella (1916–2012): Né le 25 décembre 1916 à Maghnia, Ahmed Ben Bella est l’un des pères fondateurs de l’indépendance algérienne. Ancien militaire de l’armée française, il rejoint le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), puis devient l’un des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN).
Arrêté en 1956 par les autorités françaises, il est libéré après l’indépendance et devient le premier président de la République algérienne en 1963. Son style de gouvernance autoritaire et centralisé provoque des tensions avec l’armée, menant à son renversement par Boumédiène en 1965. Il reste en détention pendant près de 15 ans, avant de retrouver la liberté et de s’engager dans des causes panafricaines et islamistes. Il décède à Alger le 11 avril 2012, à l’âge de 95 ans.
Mémoire collective : entre silence d’État et récits fragmentés
Le coup d’État du 19 juin 1965 a profondément marqué la trajectoire politique de l’Algérie contemporaine en instaurant une tradition de gouvernance autoritaire dominée par l’armée, dont l’influence reste palpable aujourd’hui dans les prises de décision nationales.
En renversant Ahmed Ben Bella, Boumédiène a imposé un modèle centralisé où l’exécutif concentre les pouvoirs, au détriment du pluralisme démocratique. Son héritage économique basé sur la nationalisation et l’étatisme continue de peser sur l’appareil productif algérien, toujours dépendant des hydrocarbures.
Cette concentration du pouvoir, la marginalisation des contre-pouvoirs et la méfiance persistante envers la classe politique trouvent écho dans les revendications actuelles du peuple algérien, notamment à travers les mobilisations du Hirak, illustrant combien le 19 juin a façonné durablement le rapport entre les citoyens et l’État.
Le 19 juin 1965 reste une date chargée de tensions mémorielles en Algérie
Longtemps célébré comme un « redressement révolutionnaire » sous le régime de Boumédiène, cet événement a été institutionnalisé dans les discours officiels, occultant les voix critiques et les récits alternatifs. Pour certains, il symbolise la stabilité et la construction d’un État fort ; pour d’autres, il marque le début d’une dérive autoritaire et de la confiscation du pouvoir par l’armée.
Cette dualité se reflète dans les silences des manuels scolaires, les commémorations sélectives et les témoignages oraux transmis au sein des familles. Aujourd’hui, la jeunesse algérienne redécouvre cette page d’histoire à travers les réseaux sociaux, les documentaires indépendants et les débats citoyens, révélant une mémoire encore vive, mais profondément divisée.
La rédaction
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