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Algérie : Nassera Dutour saisit la justice après son refoulement

  • cfda47
  • 24 sept.
  • 3 min de lecture
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Un recours en annulation a été déposé devant le tribunal administratif pour contester l'interdiction faite à la militante des droits humains de rentrer en Algérie. Ses avocats dénoncent une violation flagrante de la Constitution.  


Les avocats de Nassera Dutour, née Yous passent à l'offensive. Face au refoulement de leur cliente à l'aéroport d'Alger le 30 juillet dernier, le Collectif d'avocats pour la défense de la militante vient d'introduire un recours en annulation devant le tribunal administratif de deuxième instance. Une riposte judiciaire qui marque le début d'un combat pour faire respecter les droits élémentaires d'une citoyenne algérienne sur son propre territoire.  


Dans un communiqué rendu public hier mardi, les juristes exposent les faits avec une précision chirurgicale. Nassera Yous, “citoyenne algérienne, présidente du Collectif des Familles de Disparu(e)s en Algérie et de SOS Disparu(e)s, ainsi que mère du disparu forcé Amine Amrouche”, s'est vue “refuser l'entrée sur le territoire algérien à son arrivée à l'aéroport d'Alger Houari Boumédiène, en dépit de sa nationalité algérienne et de la détention d'un passeport valide”.  


Un refoulement aux allures de règlement de comptes  

Le scénario qu'a vécu la militante relève de l'intimidation pure et simple. Accompagnée jusqu'à son vol, elle a reçu un procès-verbal de refoulement directement à bord de l'appareil, “l'empêchant ainsi de rejoindre son pays”. Cette mesure arbitraire a duré plusieurs heures et, précisent ses défenseurs, “n'a été ni motivée, ni accompagnée d'indications sur les recours possibles”.  


Une procédure qui viole de bout en bout les règles élémentaires du droit administratif et révèle l'embarras des autorités face à une femme qui refuse de courber l'échine. Car Nassera Yous n'est pas n'importe qui. Mère d'Amine Amrouche, disparu le 30 janvier 1997, elle incarne depuis près de trois décennies la lutte acharnée des familles de disparu(e)s pour la vérité et la justice.  


Une violation en cascade des droits fondamentaux
 

Les avocats, emmenés par des figures respectées du barreau algérien-Me Mostefa Bouchachi, Me Nourredine Ahmine, Me Abdelghani Badi, Me Benlahrech Zakaria et Me Aïda Safa Dalal Aidoun- ne se contentent pas de dénoncer. Ils établissent méthodiquement l'arsenal juridique bafoué par cette décision.  


Le refus d'entrée constitue une violation de la Constitution et des droits fondamentaux de Madame Nassera Yous, tels que garantis par la Constitution algérienne (articles 49-1 et 54), la législation nationale applicable à la protection des citoyens et les engagements internationaux de l'Algérie”, détaillent-ils dans leur communiqué. Ils pointent particulièrement l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, “qui interdit tout refus arbitraire d'accès à son pays”.  


Plus grave encore, ajoutent les juristes, “le refus d'entrée a été pris sans motivation légale claire et sans respect des droits de recours de Madame Nassera Yous, ce qui affecte la légalité et la légitimité de la décision administrative”. Une accumulation de vices de forme et de fond qui révèle l'improvisation d'une mesure dictée par des considérations politiques plutôt que juridiques.  


Le recours déposé devant le tribunal administratif n'est qu'un premier acte. Les avocats annoncent en effet que : “Cette action judiciaire constitue une première étape dans la défense des droits de Madame Nassera Yous. D'autres démarches sont en cours et seront entreprises afin de garantir pleinement ses droits fondamentaux, notamment son droit à la liberté de circulation, en tant que citoyenne algérienne”. Ils réaffirment leur “engagement à défendre Madame Nassera Yous dans toutes les voies légales disponibles pour faire respecter ses droits”.  


Une mémoire qui dérange  

Pourquoi tant d'acharnement contre cette femme ? La réponse tient en quelques mots. Nassera Dutour, née Yous n'oublie pas. Depuis 1997 et la disparition de son fils Amine, elle n'a jamais renoncé. Pas une semaine sans qu'elle interpelle, manifeste, réclame la vérité. Dans un pays où l'on a décrété l'amnésie générale sur les années noires, cette obstination dérange.  


Le refoulement de la militante n'est pas un accident administratif. C'est un message. Aux familles de disparus d'abord, sommées de tourner la page. À la société civile ensuite, priée de rester silencieuse. Mais c'est aussi l'aveu d'une certaine panique. Vingt-sept ans après les faits, le pouvoir algérien n'arrive toujours pas à supporter qu'on lui demande des comptes.  


Résultat des courses ? Une citoyenne algérienne se retrouve interdite de séjour dans son propre pays. Pendant que ses avocats attendent que la date de l'audience soit fixée, Nassera Yous découvre l'amère ironie de la situation. Elle qui se bat pour que les disparus retrouvent leur place dans l'histoire se voit elle-même effacée de la carte. L'Algérie officielle a tranché. Mieux vaut une mémoire en exil qu'une vérité qui fâche.  


La Rédaction  

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