Associations en Algérie : sous prétexte de réforme, la répression s’écrit dans la loi
- cfda47
- 25 sept.
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Dernière mise à jour : 26 sept.

Le gouvernement présente son texte comme une modernisation du secteur. Dans le même temps, il renforce l’agrément préalable, verrouille les financements et multiplie les motifs de dissolution.
Sous couvert de modernisation, les autorités algériennes préparent une véritable mise au pas du monde associatif. Le projet de loi organique actuellement dans les cartons ne corrige rien des dérives de la loi de 2012. À contrario: il aggrave les restrictions et place la société civile sous un contrôle quasi total de l’administration. Huit organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch et MENA Rights Group, ont sonné l’alarme.
“Loin de pallier les lacunes de la loi algérienne sur les associations, ce texte empirerait la situation”, résume Alexis Thiry, conseiller juridique du MENA Rights Group.
Les dispositions prévues donnent au ministère de l’Intérieur le dernier mot sur tout : création, financement, fonctionnement, dissolution. Pas d’autorisation préalable ? Pas d’association. Les fondateurs devront être au minimum dix au niveau local, vingt-cinq au niveau national, répartis sur un tiers du territoire, tous ressortissants algériens et vierges de toute condamnation pénale. Une exigence qui élimine de fait nombre de militants, poursuivis ces dernières années pour avoir exercé leurs droits. Une fois constituée, l’association reste pieds et poings liés : rapports financiers et moraux sous trente jours, inspections possibles à tout moment, obligation de notifier le moindre changement à l’administration.
Le texte va jusqu’à redéfinir la raison d’être des associations; un simple “soutien aux autorités publiques pour mettre en œuvre les politiques publiques”. Exit l’indépendance, l’esprit critique, la capacité de contre-pouvoir. Pire encore, il impose aux organisations de se plier à des “constantes nationales” aussi vagues que “l’unité nationale” ou “l’intégrité territoriale”, termes fourre-tout utilisés depuis des années pour réduire au silence toute voix discordante.
Les financements étrangers sont verrouillés. Tout don supérieur à 1,5 million de dinars (environ 11 500 dollars) exige un certificat de conformité. Les coopérations internationales sont conditionnées aux “relations amicales” entre l’Algérie et le pays d’origine de l’organisation concernée. Autrement dit : pas d’accord diplomatique, pas d’association. Les liens avec des partis politiques restent bannis, comme dans la loi de 2012.
Ce durcissement s’inscrit dans une séquence répressive entamée dès l’émergence du Hirak en 2019. Rassemblements interdits, militants poursuivis, structures emblématiques dissoutes : le RAJ en 2021, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme en 2023, sans compter une pluie silencieuse de radiations locales depuis l’été 2024. Amnesty International dénonçait alors une “attaque frontale contre la liberté d’association”, tandis que l’ONG Civicus classait l’Algérie parmi les pays “fermés”, aux côtés de la Chine et de l’Arabie saoudite.
Pourtant, la Constitution algérienne, dans son article 53, garantit que “le droit d’association s’exerce par simple déclaration”. L’Algérie a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui stipule qu’“il ne doit pas être requis plus de deux personnes pour créer une association”. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le pays fait partie, impose que toute restriction soit nécessaire, proportionnée et non discriminatoire. Rien de tout cela n’apparaît dans le projet de loi.
“Les autorités devraient saisir cette opportunité pour introduire une nouvelle loi conforme aux normes internationales”, rappelle Bassam Khawaja, de Human Rights Watch.
Dans les faits, les associations algériennes se retrouvent déjà asphyxiées. Celles qui tentent encore d’obtenir un récépissé d’enregistrement se heurtent à des lenteurs interminables. Celles qui fonctionnent risquent, à tout moment, une suspension de trente jours pour “violation des statuts” ou “atteinte à l’ordre public”. Les militants, eux, vivent dans un climat d’autocensure et de peur.
Ce projet parachève la domestication d’une société civile autrefois foisonnante. En 2022, l’Observatoire national recensait 120 000 associations actives. Clubs culturels, groupes caritatifs, cercles de jeunes…autant de lieux de solidarité et d’initiatives populaires aujourd’hui placés sous tutelle.
La Rédaction



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