Mohcine Belabbas charge le pouvoir : “L'Algérie gouvernée par l'annonce plutôt que par l'action”
- cfda47
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour

“La crise silencieuse du pouvoir algérien” : c'est le titre que Mohcine Belabbas a donné à sa dernière tribune Facebook. Un texte long, dense, qui prend le dernier Conseil des ministres comme point de départ pour démolir toute la mécanique gouvernementale. L'ancien patron du RCD, loin des projecteurs depuis sa condamnation en mars, revient avec un réquisitoire implacable : le pouvoir promet, mais n'agit jamais.
“Derrière l'apparente effervescence des décisions, une crise plus profonde se révèle, celle d'un pouvoir qui gouverne par l'annonce plutôt que par l'action”, écrit-il. Selon lui,
“chaque semaine, une avalanche de promesses tient lieu de vision, un futur hypothétique remplace une politique, et l'Algérie que l'on présente comme victorieuse demeure figée dans un récit officiel sans rapport avec le vécu des citoyens”.
L'ancien député d'Alger prend pour cible le dernier communiqué du Conseil des ministres, qu'il décortique point par point. Sur la question des incendies de forêts, il souligne l'absence criante de résultats concrets :
“Depuis les drames de 2021, les enquêtes administratives ou judiciaires se succèdent sans jamais déboucher sur un rapport public ou une politique de prévention digne de ce nom”.
Plus acerbe encore, Belabbas pointe du doigt l'inefficacité du Parlement algérien :
“Le Parlement algérien n'est pas un contre-pouvoir, mais une chambre d'enregistrement. On y valide ce qui vient d'en haut, on y commente à la marge, mais on n'y contrôle ni l'action gouvernementale ni l'administration”.
Pour lui, les annonces récurrentes de hausse du salaire minimum et de la prime chômage ne sont qu'un leurre :
“Ces mesures ne compensent ni l'inflation ni la dégradation du pouvoir d'achat réel. Elles ne s'inscrivent dans aucune stratégie économique capable de libérer l'initiative, d'attirer l'investissement ou de moderniser la production”.
L'ancien responsable du RCD s'attaque aussi à la centralisation excessive du pouvoir. Il évoque l'intervention personnelle du président sur des questions d'hygiène publique : “Lorsqu'un président doit rappeler que les bus doivent être propres et les places publiques surveillées, ce n'est ni du volontarisme ni de l'autorité : c'est le symptôme d'une administration qui ne fonctionne plus”.
Cette hyper-présidentialisation, selon Belabbas, traduit “la mise sous perfusion d'un appareil administratif à bout de souffle, incapable d'assurer ses missions sans intervention directe du sommet”.
Sur le plan économique, l'ancien président du RCD se montre tout aussi sévère. Concernant les projets miniers comme Gar-Djebilet et la ligne ferroviaire Tindouf-Béchar, il observe :
“C'est un retour quatre décennies en arrière. Les mêmes questions demeurent, intactes : la transformation locale du minerai est-elle prête ? Les partenaires sont-ils identifiés ? Les conditions contractuelles sont-elles transparentes ?”
Il ajoute :
“La souveraineté économique ne s'affiche pas, elle se construit par la cohérence, la continuité et l'exigence de comptes. Sans cela, les grands projets resteront des slogans recyclés, déconnectés des capacités réelles du pays”.
Même la construction d'un nouvel hôpital à Constantine n'échappe pas à sa critique. “Les années récentes regorgent d'infrastructures hospitalières inaugurées puis sous-exploitées, faute de personnel formé, de maintenance ou de modes de gestion adaptés”, rappelle-t-il, avant d'ajouter:
“Tant que la fuite des compétences se poursuivra, tant que la formation ne sera pas revalorisée, tant que la gouvernance restera prisonnière de la bureaucratie, un hôpital de plus ne sera qu'un bâtiment supplémentaire”.
Mohcine Belabbas n'en est pas à sa première confrontation avec les autorités. Figure du Hirak, il s'était illustré en janvier 2020 en “menant la coulée humaine” qui avait brisé un barrage policier dans les rues d'Alger. Son immunité parlementaire avait été levée en décembre 2020, à la demande du ministère de l'Intérieur.
Condamné en mars 2024 à six mois de prison ferme dans une affaire liée au décès accidentel d'un ouvrier marocain sur un chantier de construction de sa maison personnelle, Belabbas et ses avocats dénoncent une “criminalisation de l'action politique”.
Enfin, l'ancien dirigeant du parti d'opposition résume sa pensée : “Cette succession d'annonces raconte la même histoire : celle d'un pouvoir qui parle à la place d'agir, qui promet pour éviter de réformer, qui fabrique du futur faute de produire du présent”. Et de conclure :
“L'Algérie n'a pas besoin d'événements historiques : elle a besoin d'institutions capables de répondre aux urgences, d'assumer des choix, et d'engager des politiques qui survivent au communiqué du dimanche”.
Sophie K.



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